Un chemin de la Retirada

L'histoire de l'écriture

On me demande souvent comment j'en suis arrivée à écrire un livre.

N'en existe-t'il pas suffisamment qui témoignent de l'exil des républicains ?

Oui, vous avez raison, il y en a déjà beaucoup (aller à la bibliothèque du site).

En vrai, ça s'est fait comme ça... par la force des choses.

L'aventure a commencé avec quelques notes prises sur un carnet

Petite fille de réfugiée espagnole, j'ai souhaité transmettre à mes enfants l'histoire de ma grand-mère et, avec la sienne, celle des Gandarillas ; cette branche de la famille qui a ses racines au Pays Basque.

Mais j'en savais très peu. En fait, je n'en connaissais que les 3 ou 4 anecdotes, toujours les mêmes, qu'il m'avait été donné d'entendre, et encore, en de très rares occasions. C'est un sujet dont on ne parlait jamais dans la famille. C'est seulement quand j'ai commencé à m'y intéresser que j'ai pris conscience que ma grand-mère se taisait depuis 70 ans !

Tout a donc commencé par un après-midi d'été, à la maison de retraite. J'ai simplement demandé à ma grand-mère de me raconter, par le début, la vie d'avant la guerre et puis la suite.

Mémé a commencé à raconter et moi, j'ai commencé à écrire...

Au fil de nos rencontres, nous reconstituions son chemin

Pendant nos discussions, je notais tout : les évènements, les anecdotes, mes questions, ses réponses, les mots qu'elle utilisait, parfois ses silences … jusqu'aux émotions que nous partagions. Le soir, de retour à la maison, alors que je le tenais encore très clair, je reprenais mes notes et mettais tout au propre sur l'ordinateur.

Parfois, Mémé se souvenait très bien des évènements, du lieu, des personnes avec qui elle était, des circonstances. Parfois pas. Parfois, elle doutait ou avait simplement oublié.

Alors, à partir de ses souvenirs, je cherchais…  Parfois, c'était très facile. D'autres fois, c'était plus compliqué et, pour trouver des informations supplémentaires, je passais de nombreuses heures sur Internet ou dans les services d'Archives départementales. Et finalement, j'ai trouvé beaucoup.

Petit à petit, le chemin de Mémé se faisait plus précis jusqu'à ce qu'un jour, après 2 ou 3 ans, nous le tenions tout écrit.

Mais, sorti de son contexte, un témoignage n'a aucun sens

Lorsque j'ai eu imprimé le récit de Mémé, alors que je tenais les feuillets entre mes mains, ce même jour, je me suis rendue compte que je ne pouvais pas donner ce texte à mes enfants.

Je l'ai compris d'un coup ! Paf !

L'exil de ma famille était la conséquence des évènements qui avaient secoué l'Espagne. Le raconter à des jeunes qui ont une connaissance scolaire des évènements du XXème siècle, qui ne savent ni ce qui s'est passé en Espagne, ni ce qu'est une guerre civile, ni un réfugié politique : ça n'avait strictement aucun sens !

Mon récit leur disait le "quoi", le "quand", le "qui" et le "comment" mais ne disait rien du "pourquoi". Sorti de son contexte, le récit avait perdu tout son sens.

J'avais besoin que mes enfants connaissent les faits, les évènements historiques, qu'ils connaissent a minima l'histoire de l'Espagne. Ensuite, ils découvriraient le chemin parcouru par leur arrière-grand-mère et celui-ci aurait à leurs yeux sa vrai valeur. Oui voilà. C'est ça que je devais faire. Trouver un livre qui leur dirait le contexte et moi, je viendrai après avec mon histoire familiale.

J'ai donc cherché ce livre ...

Un roman historique ?

J'ai d'abord pensé à un roman historique.

J'ai pensé que mes enfants allaient pouvoir ainsi facilement se familiariser avec l'ambiance des 30 et 40, entrer dans la tête des personnages et connaître leur état d'esprit, comprendre leurs motivations qu'ils soient franquistes, communistes, républicains, monarchistes, anarchistes ou je ne sais quoi... Bref, je me suis dit que le roman historique serait peut-être le genre le plus accessible à des jeunes de 15 ans et je me suis mise à en lire. Quelques-uns. Des connus et des moins connus. Des récents et des plus classiques.

Mais, au bout d'un moment, je me suis demandée comment mes enfants allaient faire pour distinguer les faits et personnages réels, de ceux imaginés par l'auteur.

D'évidence, ce n'était donc pas parmi les romans historiques que j'allais trouver le livre que je cherchais pour mes enfants.

Une biographie ?

Exit la fiction, je voulais du réel. Je me suis mise à lire du récit, du témoignage, de la biographie donc.

C'était édifiant ! Mes lectures étaient plus émouvantes les unes que les autres. Je voulais du réel, j'étais servie. Bouleversée, j'étais dans le vécu.

Mais, au bout d'un moment, je me suis rendue compte que chaque récit, chaque témoignage donnait à connaitre une partie de ce que fut la guerre civile et l'exil des républicains et qu'il faudrait en lire beaucoup (peut-être pas un très grand nombre mais, pour le moins, quelques-uns) pour avoir une vision globale et, autant que possible neutre, des évènements.

Visiblement, ce n'était donc pas, non plus, d'une biographie dont j'avais besoin.

Un manuel d'histoire ?

C'est ainsi que j'en suis arrivée à la conclusion que ce dont j'avais besoin, était tout simplement un manuel d'histoire ! Comment n'y avais-je pas pensé plus tôt ? Je me le demande encore ! Quoi qu'il en soit, je me lançais à la recherche d'un manuel.

J'ai eu la surprise de m'apercevoir que les travaux d'historien sont en vérité très nombreux, que ce soit sur la guerre civile, l'exil, l'internement dans les camps, etc... toutes les thématiques, ou presque, sont traitées. Les ouvrages sont très complets, très documentés... et sans doute existe-t'il des éditions pour adolescents... espagnols !

Mais je n'ai rien trouvé, rien du tout, qui soit destiné à des adolescents français ! Ou alors, je ne sais pas comment font les autres parents mais jamais je n'arriverai à obtenir de mes enfants qu'il avalent les 2 tomes de l'Histoire de la guerre d'Espagne de Hugh Thomas ou les 891 pages d'Une guerre d'extermination de Paul Preston !

Ce n'est pas là, non plus, que je trouvais ce que je cherchais...

Bon alors, qui s'y colle ?

Plus je lisais et plus j'avançais vers l'évidence : personne n'avait écrit le livre que je cherchais !

Arrivée à cette conclusion, je ne sais pas ce qui m'a pris, mais, à ce moment-là, je me suis imaginée qu'il me serait facile de l'écrire moi-même. J'avais déjà le "quoi", le "quand", le "qui" et le "comment". Il ne restait donc plus qu'à ajouter le "pourquoi". Mais attention, pas question de raconter des conneries !

Dès le départ de cette dernière étape, j'ai mis un point d'honneur à ne pas commettre d'erreurs historiques, mais de rester fidèle aux faits avérés.

J'ai donc repris mes livres d'histoire et j'en ai acheté quelques autres. Je lisais beaucoup, énormément. J'avais déjà beaucoup appris de mes précédentes lectures, mais je voulais tout comprendre parfaitement pour être capable de bien expliquer les choses à mes enfants.

Je me suis énormément documentée. Ça a été, de très loin, la partie la plus difficile. A côté de ça, reconstituer le chemin de Mémé avait été du gâteau.

Le plus dur était de choisir quoi dire, quoi taire. Il me fallait choisir, parmi tous les évènements qui avaient secoué l'Espagne, ceux qui concourraient à expliquer que la guerre civile s'étaient achevée sur la Retirada, et, parmi tous les éléments de contexte de l'année 1939, ceux qui expliquaient que les réfugiés aient été accueillis en France dans des conditions si déplorables. Ni plus (je n'étais pas en train d'écrire un livre d'Histoire), ni moins (car il fallait que mon récit soit accessible à un lecteur de 15 ans).

Pendant tout ce temps, j'ajoutais à mon manuscrit des commentaires, des remarques, chaque fois que cela me paraissait nécessaire, en essayant d'aller à l'essentiel mais sans simplifier ni caricaturer, en essayant de rester neutre aussi, autant que possible.

Bref, un boulot de dingue qui m'a pris 4 ans. Entre-temps Mémé m'avait quittée.

Vint ensuite l'édition, mais ça, c'est une autre histoire !

Un chemin de la Retirada : un livre de mémoire historique

Voilà, vous savez tout de l'écriture de Un chemin de la Retirada, la guerre civile d'Espagne et l'exil racontés aux arrière-petits-enfants.

Vous savez pourquoi...

... bien que ce ne soit pas une oeuvre de fiction, il se lit aussi facilement qu'un roman avec un début, une fin, une intrigue, des moments de suspense, d'autres d'émotion...

... bien que ce ne soit pas un livre d'histoire -évidemment pas !- on y trouve tout ce qu'il faut pour bien comprendre les évènements historiques...

... c'est un témoignage qui se veut plus qu'un témoignage...

... c'est un livre qui aide les descendants de réfugiés espagnols à transmettre la mémoire historique à la génération suivante.

Ajouter un commentaire

Anti-spam